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vendredi 4 mars 2022

Iron Widow


Auteurice
 : Xiran Jay Zhao.

Edition : La Martinière Jeunesse.

Parution : 2022.

Genre : Young Adult Science-Fiction.

Nombre de pages : 464.

Radar à diversité : personnage principaux et personnages secondaires chinois (ownvoices), personnage principale infirme, personnages secondaires bisexuels, relation principale polyamoureuse.

Avertissement de contenu : Sang, meurtre, torture, mentions de viol, menaces de viol, misogynie, fémicide, idées suicidaires, abus, dépendance à l'alcool.

Synopsis : Les frontières d’Huaxia sont défendues par les Chrysalides, gigantesques machines pilotées par les énergies psychiques combinées d’un homme et de sa concubine. Hélas ! les combats sont violents, et si les hommes en réchappent, les femmes sont presque toujours sacrifiées.

Malgré cela, Zetian s’engage dans l’armée. Son objectif ? Venger sa sœur en tuant le pilote responsable de sa mort.

Sortie victorieuse de l’affrontement grâce à sa force psychique exceptionnelle, Zetian devient alors Veuve de Fer et rejoint l’élite des combattants. Elle sera dès lors associée à Li Shimin, le pilote le plus dangereux et controversé d’Huaxia.

Bien décidée à rester en vie, Zetian compte profiter de son nouveau statut pour lutter contre le système patriarcal qui régit la société. Elle s’en fait la promesse : dorénavant, les jeunes femmes ne seront plus sacrifiées…

Avis :  

« Il faut un monstre pour en tuer un autre. »

 

Iron Widow est un titre qu’il me tardait de découvrir et ce, pour plusieurs raisons. Un roman Young Adult de SF inspiré de la culture chinoise ? Des protagonistes inspirés de personnages historiques ? L’héroïne inspiré de l’impératrice Wu Zetian ? Avec des thématiques féministes ? Il ne m’en fallait pas plus pour être extrêmement enthousiaste à l’idée de découvrir cette histoire. Résultat, le roman m’a vraiment plu et j’ai passé un bon moment de lecture, mais ce n’est pas un coup de coeur pour plusieurs raisons. Je tiens à remercier les éditions La Martinière Jeunesse et Netgalley pour cette découverte. Je suis heureuse que La Martinière Jeunesse ait conversé la couverture originale (une telle beauté !), cependant, j’espère que le mégenrare de l’auteur·ice (notamment dans les remerciements) sera corrigé et que ce genre d'erreurs sera surveillée à l'avenir.

J’ai beaucoup apprécié découvrir l’univers créé par Xiran Jay Zhao. Le mélange de traditions chinoises et de nouvelles technologies donne un résultat très intéressant. J’étais tellement emballée que je me suis retrouvée frustrée face aux manques d’informations. Au final, on sait peu de choses sur les Hunduns, ces extraterrestres venus coloniser la planète humaine. On ne sait pas très bien à quoi ils ressemblent et pourquoi ils combattent les humains. On nous dit que les carapaces des Hunduns servent à créer les Chrysalides, les robot-géants que contrôlent les pilotes. Seulement, on ignore comment elles sont créées exactement. J’aurais vraiment voulu en savoir davantage.

De la même façon, le monde dans lequel évolue Zetian est une société patriarcale et sexiste où les femmes détiennent une place peu reluisante. On ignore pourquoi cette société futuriste a conservé ce modèle, quelles sont les causes de ce système et les nuances. On ignore également le sort réservé aux personnes qui s’éloignent de la norme (les minorités de genre, les personnes qui sont étrangères). On a quelques informations mais ce n’est pas suffisant pour déterminer le contexte.

 

« Comment anéantir la combativité d’une moitié de la population pour la réduire en esclavage volontaire ? Vous lui dites qu’elle est destinée à la servitude depuis sa naissance. Qu’elle est faible. Qu’elle est une proie.

Vous le lui répétez suffisamment souvent pour que ça devienne une vérité. La seule vérité possible. »

 

Cette faiblesse se retrouve aussi au niveau des personnages. J’apprécie énormément les antihéros, particulièrement les antihéroïnes, c’est pourquoi Wu Zetian m’a personnellement conquise. Elle n’est pas une héroïne à proprement parler, elle tue des personnes sans remord et agit selon son bon plaisir. Si cela a refroidi certains lecteurs, cela n’a pas été mon cas, bien au contraire. J’aime beaucoup ce type d’antihéroïne. Néanmoins, la construction de son personnage n’est pas parfaite. Pour donner un exemple (en lien avec le manque d’informations sur l’univers), on sait que la politique du monde est violente et abusive envers les femmes et on le voit essentiellement à travers des conversations que Zetian entretient avec d’autres personnages. Il était récurrent qu’un personnage tienne des propos sexistes et que Zetian rétorque avec des paroles féministes. Il y a beaucoup de passages qui ont résonné en moi (je ne suis pas une lectrice attachée aux citations, mais il y en a plusieurs que je retiens dans ce roman). Toutefois, cela paraissait peu naturel par moment. Zetian répondait toujours ce qu’il fallait, de manière instantanée. Certaines personnes savent répondre du tac au tac, c’est vraisemblablement le cas de Zetian, mais à mes yeux, cela me semblait parfois maladroit.

D’autant plus qu’on n’avait aucune information sur les raisons qui ont fait que Zetian est devenue ainsi. On ignore comment ses valeurs ont évolué, pourquoi elle pense différemment des autres femmes. Des convictions aussi fortes méritaient des explications, une contextualisation. Pourquoi est-elle ainsi ? Pourquoi il semble que ce soit la seule à remettre le système en question ?

Qui plus est, le début de l’intrigue s’appuie sur un élément qui manque également d’éclaircissements. Wu Zetian part en quête de vengeance au nom de sa soeur aînée, assassinée par un pilote. Seulement, on ignore dans quelles circonstances sa mort s’est déroulée. On ne sait rien de sa soeur du début à la fin du roman. Or, son personnage a une importance capitale pour l’héroïne. C’est ce qui la pousse à commettre des actes répréhensibles. Pourtant, on a aucune information sur sa soeur, ni sur la relation qu’elles entretenaient. Si bien qu’on ne comprend pas réellement pourquoi Wu Zetian veut se venger à ce point. J’étais persuadée que la fin de ce premier tome allait m’apporter des réponses, tant c’était peu détaillé, mais il n’en est rien. La relation entre Wu Zetian et sa soeur avait énormément de potentiel et à mon sens, ce potentiel est gâché.

Si j’ai refermé le livre sur un bon sentiment, je n’ai pas pu m’empêcher de réfléchir à ce que je venais de lire. Iron Widow est vendu et présenté comme un livre féministe, cependant, certains points me laissent perplexe. Tous ces discours à propos de briser les barrières et soutenir les femmes ne sont que des écrans de fumée. Les personnages féminins dans ce roman sont peu exploités : soit ils meurent, soit ils sont méprisés par l’héroïne. Je n’ai pas aimé la façon dont Zetian considérait ses pairs. On aurait dit qu’elle avait elle-même une vision sexiste et rabaissante des femmes (notamment des femmes qui ont des enfants et/ou qui se marient). Elle est censée être leur sauveuse, leur porte-parole, mais le résultat est peu satisfaisant. Elle dit elle-même qu’elle veut sauver les femmes, mais elle les rabaissent, les méprisent, voire les tuent ? La première fois qu’elle interagit avec une femme de son âge, un rapport de rivalité s’installe entre elles. Les deux femmes se montrent hostiles l’une envers l’autre et la rivale de l’héroïne la menace de ne pas lui voler son compagnon. La discussion porte uniquement sur une barrette à cheveux et un garçon … ce qui était décevant. Si j’ai été déçue de cette relation (qui pousse Zetian à croire qu’elle était idiote de penser qu’elles allaient s’entraider parce qu’elles sont des femmes, ce qui renvoie un message sur la sororité qui me déplait), j’ai également été très déçue du traitement de l’amitié avec un autre personnage féminin. La seule relation positive entre deux femmes dans le récit est détruite lorsque l’héroïne tue l’autre parce que celle-ci … voulait protéger sa famille. J’aurais voulu que Zetian s’arrête, demande des éclaircissements, exige de savoir qui l’a menacée avant de faire équipe avec elle pour traquer les personnes responsables. Certes, en étant plongée en pleine bataille et totalement bouleversée, Wu Zetian avait de quoi agir impulsivement … mais il y avait tellement de meilleures manières de traiter la situation. On a aucune réflexion sur la société qui pousse les femmes à se comporter ainsi, aucune remise en question. J’ai eu le sentiment que Wu Zetian reproche aux femmes d’être ce que la société leur a appris à être et c’est contre productif.

Les conversations qu’ont les personnages féminins tournent autour des hommes et les relations positives entre des personnages féminins sont pour le moins inexistantes. Pour un roman qui est vendu comme féministe, je trouve ça paradoxal. Je pense aussi que cela idéalise trop le personnage de Wu Zetian qui n’est et ne devrait pas être considérée comme une héroïne féministe (alors qu’il s’agit tout de même d’une meurtrière psychopathe). Le récit ne remet pas en cause les agissements de son personnage principal. Si j’aime les personnages dont la morale est discutable, j’aurais aimé que ce soit mis en évidence dans le récit. J’aurais voulu que Wu Zetian soit confrontée à ses propres paradoxes : elle milite pour les droits des femmes mais juge les autres femmes (surtout celles qui respectent les règles de la société) comme tout le monde. J’aurais voulu une prise de conscience de son propre sexisme intériorisé et une remise en question. On ne peut pas vouloir être la sauveuse de toutes les femmes en détestant toutes les femmes qu’on rencontre et sans remettre la faute sur le système. Le féminisme, ce n’est pas une femme avide de pouvoir qui détruit le monde parce qu’elle déteste être une fille (c’est ce qu’elle dit elle-même).

Les seules personnes qu’aime l’héroïne sont ses deux amoureux avec lesquels ils forment un trouple. L’un des points forts du roman réside dans cette relation polyamoureuse qui change radicalement des traditionnels triangles amoureux avec le garçon doux et gentil d’un côté, et le méchant garçon au passé torturé de l’autre. J’ai apprécié ce point d'originalité même si, malheureusement, je n’ai pas été emballée par les relations amoureuses. Je ne me suis guère attachée aux personnages masculins. Ils sont assez caricaturaux et on en sait peu sur eux. On ne comprend pas non plus l’évolution de leur relation, notamment entre Zetian et Shimin (leur relation évolue brusquement sans qu’on le voit venir). Je n’ai pas beaucoup apprécié le personnage de Yizhi parce qu’on ne sait pas grand chose sur lui. Sa relation avec Zetian me laissait totalement indifférente. Par ailleurs, l’évolution de son personnage m’a rendue très perplexe. Ses agissements à la fin du roman ne correspondaient pas à l’image que j’avais de son personnage.

Zetian est, finalement, entourée d’hommes. C’est ce qui fait qu’elle est souvent secourue par des personnages masculins. La fin n’échappe pas à la règle, elle trouve une solution à la situation en trouvant un autre homme. 

En parlant de la fin, il se passe beaucoup de choses. La fin apporte son lot de surprises et j’ai dévoré la dernière partie. J’étais emballée par la tournure des événements et le revirement du personnage de Zetian. J’ai aimé suivre son cheminement et son évoluation qui l’amène à devenir une pure antihéroïne. Zetian agit impulsivement sans avoir de vision à long terme, ce qui tranche avec l’image de la vraie Wu Zetian réfléchie et intelligente que j’avais. Zetian s’éloigne radicalement de l’héroïne que l’on peut avoir et malgré les défauts liés à la construction de son personnage, j’ai aimé la suivre.

 

Encore une fois, il faut se méfier des livres vendus comme féministes et ne pas hésiter à remettre en question ce qu’on lit. J’ai beaucoup aimé Iron Widow et j’ai passé un bon moment de lecture, toutefois, je suis également consciente de ses nombreux défauts. Pour être parfaitement honnête, je suis très curieuse de connaître le brouillon plus adulte que l’auteur·ice mentionne dans ses remerciements. Je pense que cette version m’aurait davantage plu. 

En conclusion, je vous conseille malgré tout de lire l’histoire de Wu Zetian. Si vous êtes curieux, n’hésitez pas à vous lancer dans l’aventure et à vous faire votre propre avis. Pour ma part, malgré ses défauts, je suis tout de même curieuse de lire la suite de l’histoire écrite par Xiran Jay Zhao.


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